« Lorsque Gafaeld baignera dans l’insolent bonheur de vos âmes,
les deux enfants verront le jour.
D’ombre et de lumière, d’une seule âme liée par le plus pur des amours.
Ensemble, ils scelleront un destin de malheur et de chaos.
Seule la déchirure de leur âme partagée,
Apportera la paix à ces âmes pécheresses.
Par l’immense sacrifice d’une passion digne de Vahdin,
Alors la Grande Calamité sera évitée.

Enfin,
Lorsque ses crocs voleront le cœur de son âme-sœur, l'héritier légitime prendra le trône. »

En des temps anciens, l’Oracle des dieux prononça ses mots. Au pied de l’Arbre céleste, l’ancien roi l’observait entrer en transe.
Sa voix devenait rauque, tordue par une infinie souffrance. Le sang coula de ses yeux, de ses oreilles. Le messager divin voyait son enveloppe corporel meurtri par l’intervention suprême.

Cet événement unique fut retranscrit dans les moindres mots et il parcourt les siècles, jusqu’à aujourd’hui.

Auparavant, les conditions ne furent jamais réunies. Les rares jumeaux qui virent le jour n’étaient destinés à s'emparer de la couronne. Enfants de seigneurs, la prophétie n'était respectée ; d'autres signes confirmaient cette supposition. Des temps obscurs planaient sur le royaume : famine et guerre déchirées dans le monde, loin du bonheur idyllique décrit.

Les siècles passèrent, la prophétie ne semblait qu’un lointain passé.
Jusqu’à ce que la reine accouche de merveilleux jumeaux, héritiers tant espérés du roi. Les mots de l’Oracle ont trouvé une nouvelle vie.

Voilà un siècle que les héritiers du trône sont venus au monde. Un siècle qu’une terrible prophétie tourmente les esprits et les cœurs. La parfum de la guerre s’intensifie et les jumeaux savent que l’un d’eux doit mourir pour le bien Gafaeld, pour permettre à la paix de gouverner leurs terres, pour laisser au véritable héritier le pouvoir. Néanmoins, aucun d’eux n’est décidé à laisser sa place facilement.

Sujets des dragons, maîtres, bâtards, domestiques ou esclaves, chacun est libre de soutenir et d’aider à sa manière les enfants royaux.

Suite au décès du Roi, les conflits n’ont pas été précipités, sans doute par respect pour sa mémoire, pour établir le deuil. Comme une trêve dans la prochaine tragédie, les héritiers n’ont commencé à entamer les hostilités que quelques mois après, dans l’ombre. Par de subtils stratagèmes, leur plan se met en place.  

Mais une prophétie n’attend pas.
Les dieux désirent voir le sang couler.

Avec leur impatience, les punitions s’abattent sur le monde.  Depuis quelques semaines, les monstres sont devenus plus sauvages, agressifs ; ils osent s’aventurer plus loin, jusqu’à l’orée des villes. Certaines bêtes de compagnie se seraient même retournées contre leurs maîtres, les blessant grièvement, voire, dans le pire des cas, leur donnant la mort.

Ces changements amènent des réponses. Les convois et approvisionnements des villes nécessitent plus de soldats, de protection. Des mercenaires sont engagés pour défendre les cités les plus exposées, à l’instar du village de Sombræl ou de la citadelle de Nölkyr. Les prêtres sont contraints de reporter leur pèlerinage. Les voyageurs et vagabonds sont appelés à la plus grande prudence.

Sans même parler des Léviathans qui, au grand damn des Dragons, deviennent de plus en plus nombreux, se rapprochant sans cesse des côtes. Drakays et Sombræl sont au premier rang de cette menace croissante, isolant les îles du reste du royaume.

Le temps presse.
La mort s’impatiente.
Et quand la vie désire reprendre ce qui lui est dû, alors même la terre, les océans et le ciel se plieront à son caprice.

Depuis quelques semaines, la nature devenait incontrôlable. Mais ce soir-là, la rage de cette dernière fit trembler le peuple de Gafaeld. Avec quelques gouttes de pluie, la nuit débuta… Et quelques minutes passèrent, elles le transformèrent en véritable orage.

Les rivières sortaient de leur nid ; la mer se déchaînait sous le grondement terrible du tonnerre. Les eaux se fracassaient sur les falaises de Drylkae, engloutissaient les côtes de Drakays.
La foudre s’abattait dans la forêt sacrée, sous la force des ses vents enragés, les arbres pliés.
Les tempêtes de sable dévoraient les voyageurs du désert.

On avait peur, on criait, on pleurait.
Le peuple implorait la clémence des dieux.

Cette nuit effroyable resterait dans les annales. Pourtant, elles n'étaient pas synonyme de dégâts et de morts. Juste d’une peur qui avait saisi chaque être, une peur qui avait rappelé à tout la toute puissance des dieux.

Mais nulle n’avait su que ce présage n’était qu’un avertissement à la naissance de l’un des plus grands fléaux qu’allait connaître le royaume.
A l’aube, le temps se calmait, le courage renaissait. Mais les hurlements des bêtes se levant à travers le royaume laissaient comprendre alors que le pire restait à venir.

Tous les territoires ont été dévastés... Les tgryss qui ne sortaient habituellement pas de leurs grottes ont pris d'assaut les remparts de Nolkyr, les varkas ont marché sur les cadavres et le vish'jir est sorti de son lit de lave. Les léviathans se sont levés contre l'estuaire et les maladies sont propagés dans la forêt... Seul Drakays et Sanguis n'ont connu que des dégâts moindres, presque oubliables face à la terreur que les autres territoires ont connu.

Les voix du peuple s'élèvent ! Un héritier doit être choisi avant que la mort ne défigure le royaume !